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2000
ÉTAT DE CRISE
in La Marge
EXTRAIT

Lentes gouttes de plomb, le long de la nuque, sueur épaisse en ruissellement froid. Andrew maintenant contemplait sa main gauche, luisante de sel ; doucement, il la reposa sur son cœur. L'organe se débattait, rapide, par saccades. Beaucoup trop rapide. Andrew inspira patiemment, très calme. Il détourna son regard de la toute petite boîte qui, sur le grand bureau plat, lisse et nu, semblait le contempler narquoise de son œil rond et vide.

La petite boîte ronde était vide.

Andrew éructa une parole grave. Aussitôt, sans un chuintement, le moniteur de l'ordinateur se détacha de la surface jusqu'alors sans faille du bureau. L'écran, d'abord aussi sombre que son cadre, uni, explosa bientôt en pixels éclatants, innombrables et colorés. Gina me reconnaît, se rassura Andrew. Elle avait réagi à son empreinte vocale, réduite à un mince filet rocheux. Sur l'écran, dans l'écran, l'hologramme translucide lui souriait :

« Sir Lawrence ? l'accueillait Gina. Que puis-je pour votre plaisir ?

— Je vais me connecter, haleta-t-il. Charge-moi un programme relaxant. Le dernier.

Ordre compris & enregistré, Sir Lawrence. Le programme est présentement en cours de téléchargement. »

Un compte à rebours commençait de s'égrener lentement en bas, à gauche, sur le devant de l'écran. Ce ne serait pas long. Andrew se permit un mince sourire, décrispa sa main, libéra son cœur. Il lui fallait… ce programme — immédiatement. Après ce, quand il se sentirait mieux, il demanderait à Gina de lui commander…

« Programme téléchargé/chargé. Programme disponible. Procédure figée, en attente. »

Andrew se saisit d'une petite prise en marge de l'appareil : un disque mince, de la taille d'un ongle, qu'il enclencha dans le récepteur discret qu'il s'était fait incruster derrière l'oreille droite. Le dernier cri, du quasi invisible. Il jappa ses instructions ; aussitôt, les données informatiques se déversèrent dans son cerveau, enclenchant la mise en phase.

Renversé au noir abyssal de son fauteuil, Sir Andrew Lawrence semblait plongé dans un très profond sommeil.

 

 

Une fraction de seconde s'était écoulée, nécessaire à ses sens égarés pour assimiler le nouvel environnement. A présent, Andrew patientait debout au cœur de nébuleuses ; autour de lui, les étoiles se répandaient en poussières féeriques, en rideaux de lumières poudrées. En face de lui, Gina attendait ses ordres, silencieuse. Andrew l’admira. Une image irréprochable, conforme à ses désirs : un physique élancé, galbé d'or, peu vêtu ; un visage angélique, dérangeant, serti de saphirs liquides, encadré de boucles opalines. Gina était splendide, impossible — une merveille informatique. La toute dernière génération de pseudo-IA. Elle lui avait coûté une fortune.